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Autobiographie de :

 

TOSCA

(Joueuse et encore plus, curieuse...)

 

 

La Diva !

 

Même pas peur !

  Quand même un peu essoufflée, il me faut le reconnaître; mais je conserve une excellente détente, un démarrage foudroyant, une bonne allonge, et un sens infaillible de l'orientation. Victoire complète, je revins sans problème dans les minutes suivantes.

  Et c'est à l'ombre de l'olivier centenaire que je fis le point de la situation; nous venions d'emménager dans la nouvelle maison, et le tour rapide, hors-propriété à la poursuite d'un intrus que je venais de faire, m'avait révélé, qu'outre ses insectes de toutes sortes, un ou deux jeunes mulots, et quelques salades hirsutes éparses ici, là, l'endroit semblait exempt de pièges; nonobstant, il fallait faire attention à cette flaque bleue miroitante dont l'eau restait fraîche et profonde, ainsi qu'aux éventuelles incursions d'aventureux indésirables; mais, ayant déjà repéré et marqué mes limites de propriétaire, je pensais, je savais, que le lieu deviendrait vite chasse gardée.

  Quant à la piscine, j'étais loin de me douter alors, qu'elle m'offrirait plus tard l'un de mes meilleurs moments : en arrivant sans bruit derrière la petite chatte des voisins qui, tête penchée vers l'avant et arrière-train surélevé, s'y désaltérait en toute quiétude, je l'ai tellement saisie que son seul réflexe fut un prodigieux bond de surprise qui la propulsa derechef dans l'eau scintillante; s'en suivit instantanément un autre prodigieux bond, de survie cette fois, qui la renvoya in petto sur la margelle d'où elle détala le plus vite qu'elle put; nous en serons pliés de rire pendant de longues minutes !

  Soleil au zénith, atmosphère alanguie, l'olivier bruissait doucement, favorisant ma rêverie que je poursuivis benoîtement; une nouvelle vie qui commençait donc sous les
meilleurs auspices; cependant la précédente n'avait pas été si mal, plutôt bien, très bien même ...

  Adolescente sans problème, élevée dans un cocon d'amour, j'avais, dans la limite du
raisonnable, le droit de faire tout ce que je voulais; sauf sortir seule le soir ! De ce fait,
la forêt proche ne m'était-elle autorisée que de jour. Personne n'ayant réellement pu me l'expliquer, je ne comprenais pas pourquoi; d'ailleurs ... l'auteur de l'oukase restrictif en comprenait-elle elle-même la portée ?

  L'interdit me tentait de plus en plus fortement, jusqu'au jour où, bravant la consigne, et en dépit d'appels réitérés de quart d'heure en quart d'heure, je ne rentrai qu'à minuit passé; plutôt piteuse et profil bas, il faut l'admettre, car la soirée n'avait pas été des plus drôles; mais entre soulagement de me voir revenue saine et sauve et compréhension de la situation, je fus pardonnée et on n'en parla plus jamais.

  Et aussi loin que je remonte dans le passé, entremêlé à l'amour inconditionnel que je
lui voue, c'est toujours ce sentiment de protection qui surgit; protection qui me fut donnée spontanément certes, mais qui s'avérait être recherchée par moi depuis le début de notre rencontre.

  Car ma famille n'est pas ma famille biologique, je suis adoptée; aucune idée, aucun souvenir de ceux qui m'ont donné la vie; et, entre nous, je crois n'avoir pas perdu au change; j'étais abandonnée donc non désirée (ou vice versa); et ai eu, m'a-t-on dit, une petite enfance malheureuse : certainement battue car j'avais peur de tout, maigre et affamée, errant frileusement, rasant les murs.

  Je fus accueillie, recueillie, baptisée, aimée; je n'eus pour cela qu'à sauter sur des genoux abaissés et enfouir ma tête sous l'aisselle d'un bras qui se tendait vers moi; alors pour la première fois, je me mis à parler, des "Me-rrouin... Me-rrouin..." [Collette - La Chatte] délirants, timides puis plus assurés, sortirent de ma gorge.

De ce jour, je devins La Diva du foyer : Tosca la bien nommée.

 

 

 

  Cette nouvelle maison, j'y ai vécu des années. Elle m'a plu de suite car de plein pied; je n'étais donc plus obligée d'attendre, comme avant, qu'une âme charitable veuille bien m'accompagner au bas des trois étages pour m'ouvrir la porte.

  C'est mon domaine, dont les murs pas très hauts, invitent à des excursions faciles aux alentours. Certes, ils permettent aussi à d'autres de pointer les moustaches; auxquels cas plusieurs possibilités s'offrent à moi : soit la royale indifférence d'une tolérance mesurée, soit les roulades ventre à l'air d'un coup de foudre subit, soit encore la chasse impitoyable, poursuivi et poursuivant ventre à terre. C'est ensuite mon triomphe, mon Grand Air, celui que, pour ma famille à l'écoute, j'entonne à pleins ronrons une fois revenue … ou calmée; et bien que des amis humoristes (très certainement jaloux, je suis sure) m'aient qualifiée de Toscafiore, ce sont bien les arpèges harmonieux de Tosca qui sortent de ma gorge et non les stridentes vocalises de la Castafiore.

  Dans la nouvelle maison, même les obligations désagréables sont allégées; ainsi le vétérinaire, en particulier pour la séance de vaccin, est beaucoup plus près et le trajet en voiture que j'ai en horreur, beaucoup moins long …; ainsi, la garderie, qui se fait ici dans la maison et non plus à l'autre bout de la planète …; ainsi la disponibilité de ma famille, qui est maintenant beaucoup plus présente … ainsi … ainsi …

  Au départ, qui l'aurait cru ? Cette nouvelle maison, que du bonheur !

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